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Pour que l'histoire vive
27 mars 2015

La chasse- galerie (légende du Québec)

chasse-galerie

 

La chasse-galerie

(Selon la tradition orale)

 

Il faut savoir qu'il y a un vieux récit français qui raconte l'histoire du Seigneur Gallery de Poitou, condamné à chasser dans le ciel pour l'éternité parce que le dimanche, il allait à la chasse plutôt qu'à l'église.

De la France au Québec, le récit est devenu légende.

Cette histoire a commencé dans une cabane en bois rond la veille du jour de l'An, au fond d'une forêt enneigée bien loin au nord  de Bytown, qu'on connait aujourd'hui sous le nom... d'Ottawa.

Ils étaient là une quinzaine de "bûcheux"; les pipes étaient bourrées de bon tabac canadien et le rhum était délicieux, ça fait que vers les onze heures, après une couple d'histoires salées, les hommes s'étaient retrouvés avancés en boisson, le sentiment affaibli par les pensées de leur famille restées en ville.

Sans prévenir, Baptiste Durand a lancé:

-Pourquoi on passerait la nuit du Jour de l'An dans c'te sacré camp alors que chez le père Laframboise, on doit déjà être en train de danser le cotillon sur le violon de Philippe Lajeunesse? Y qu'à prendre le canot caché sous la neige tout juste à côté du grand sapin centenaire puis partir en chasse-galerie!

Quelques coups de pelles et le canot fut dégagé. Un moment après, huit hommes prenaient place: Joe le "cook" à l'avant en éclaireur, Baptiste à l'arrière à la gouverne, et trois rameurs se plaçaient de chaque côté, l'aviron à la main.

-Acrabis! Acabras! Acabram! Canot d'écorce, fais nous voyager par dessus les montagnes!

Le canot s'est élevé d'un coup dans le ciel éclairé par la pleine lune et s'est élancé comme une flèche avec ses huit voyageurs à bord, bien ceinturés dans leur capot de chat sauvage, le casque sur les yeux, les glaçons dans les moustaches.

Après avoir ramé une grosse heure, ils ont fini par apercevoir, les lumières du "Grand Moréal" et Baptiste d'un coup d'aviron a fait descendre le canot, juste un peu au- dessus des maisons.

La grand'ville passée, les villages  se sont mis à défiler les uns après les autres et ils sont arrivés à leur village natal: Sainte-Église-du-Cocher.

Le temps de cacher le canot derrière une corde de bois, les voyageurs ont couru vers la maison, sont rentrés et ont été reçus là à bras ouverts par les habitants qu'ils connaissaient presque tous par cœur à part ça.

Et la musique a repris de plus belle; Philippe Lajeunesse violonait à s'en "dérincher" l'épaule! Tant que les flammèches en sortaient de l'archet !

Pendant un bon deux heures, une danse n'attendait pas l'autre: gigue, voleuse, valse, reel,...; et  la cruche de whisky blanc qui coulait généreusement- et la demoiselle (je parle de la cruche) se faisait prendre la taille plus souvent qu'une religieuse-,  et les danseurs qui devenaient de plus en plus joyeux: les semelles en faisaient du feu, les jupes en frisaient. Ça paraissait que Monsieur le Curé n'était pas là...

 

Mais le temps passait... Joe le "cook" a jeté un œil à l'horloge: plus que deux heures avant l'aube, et le chantier qui était à trois cents mille de distance. Il a fait un signe aux autres de s'acheminer vers la porte.

Ils sont montés dans le canot et ont repris leur envol

De toutes les évidences, Baptiste n'avait plus la main aussi sûre au retour parce que le canot faisait des virages  pour le moins inquiétants. C'était à prévoir, il était tellement saoul que lorsqu'ils ont rencontré un vol d'outardes...,Baptiste pas capable de les éviter, rentre dans le tas; ça a créé, c'est le cas de le dire, pas mal de turbulences, mais il a gardé le contrôle.

Ils ont dépassé le lac des Deux-Montagnes pour aller remonter la rivière Outaouais et piquer vers le chantier.

C'est à ce moment là que le noroit, le terrible vent du Nord-Ouest, s'est levé, que la grosse tempête de neige a suivi: plus ils avançaient , plus c'était dur.

C'était comme s'ils canotaient à contre-courant sur une rivière  qui aurait été ensorcelée. C'était si difficile qu'ils devait quasiment plier les avirons en deux pour progresser.

Fallait s'y attendre, avec tant de brasse camarade, les gars en ont perdu leurs avirons, Baptiste Durand a perdu le contrôle et le canot a fini par faire une embardée et est allé cogner contre la tête du gros sapin centenaire haut de cinq étages, précipitant dans le vide les voyageurs qui criaient comme des damnés.

C'est les autres "bûcheux", ceux qui n'étaient pas partis, après avoir entendu ce vacarme infernal et les avoir cherché pendant une grosse heure, les avaient trouvés sans connaissance, à moitié gelés, enfoncés jusqu'au cou dans la neige, un petit flasque à la main plutôt qu'un aviron et le canot cassé en deux.

Ils les ont rentrés en dedans pour les réchauffer un bon coup.

Quand les voyageurs ont dégelé trois jours plus tard, pas besoin de vous dire qu'ils ont été pas mal choqués d'entendre les autres rire et dire qu'ils avaient essayé de grimper le canot en haut du sapin centenaire, après avoir bu comme un troupeau d'éponges, pour ensuite chavirer avec  dans le vide et s'écraser en bas, comme on sait...

On connait les bûcheux: ça discute, ça dispute, ça réfute :

-On l'a courue !

-Non, vous l'avez rêvée !

-On l'a courue !

-Non , vous l'avez bue !

Les gros mots qui suivent, les poings qui se lèvent, la chicane qui est sur le bord de pogner et la question qu'on se pose: l'ont-ils courue où l'ont-ils rêvée, la chasse-galerie ?

Moi je pense qu'ils l'ont courue comment huit grands hommes comme ça pourraient imaginer la même histoire en même temps ?, d'autant plus que les hallucinations collectives n'existaient pas  au X1Xe siècle au Québec !

En fait, si on ne court plus la chasse-galerie aujourd'hui, c'est peut-être qu'on n'essaye plus? et si on n'essaye plus, c'est peut-être parce qu'on en parle plus. C'est pour ça que moi, conteur, j'ai décidé de raconter nos vieilles légendes; et qui sait  qu'à force d'en parler, un bon jour, les canots vont peut-être se remettre à voler!

Version prise sur : Tous les contes.com

Il y a plusieurs versions de ce conte, dont celle d'Honoré Beaugrand écrivain ,journaliste et homme politique canadien   très intéressante  mais trop longue pour mon blog....suivi de la chanson de la chasse-galerie. Vous pouvez y accéder par Wikipédia ou autre moteur de recherche.

 Blandine Meil

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Commentaires
E
Merci de nous faire découvrir ces histoires qu'on ne connaîtrait pas sans toi. Je te souhaite un bon après midi. Bisous.
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D
Bonjour<br /> <br /> C'est Daniel - la forge des mots - Je reviens raconter un peu de tout. <br /> <br /> Belle légende et tu en as d'autres dis-tu. <br /> <br /> Bisous - daniel
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M
Merci de nous faire apprécier les savoureuses expressions québecoises. J'en redemande comme les autres personnes qui ont commenté ce billet avant moi.<br /> <br /> Je te transmets un kénavo tout humide du crachin capiste qui tombe aujourd'hui.<br /> <br /> S'il pouvait vous atteindre pour hâter la fonte des neiges, mais les vents ne soufflent pas dans le bon sens !
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C
Entre tapis volant, les ogres et la boisson ! Quel vocabulaire choisi , c'est magnifique . Bises
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C
J'ai adoré litre cette histoire Blandine, qui m'a tenue en haleine jusqu'au bout ! Alors hallucination ou pas ... on ne saura jamais et c'est tant mieux car il faut entretenir le mystère !!!<br /> <br /> Excellent week-end, bisous !<br /> <br /> Cathy
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Pour que l'histoire vive
  • Au fil de ma vie j'ai accumulé des feuilles volantes de mon histoire, de mon parcours. Il s'en trouve dans des cahiers, et depuis quelques années dans les fichiers de mon ordi. je veux les partager et ainsi faire revivre l'histoire!
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