Le temps de la maternité
Tout bougeait dans ce pays du Québec.
La société de consommation était en marche, et l'air des «babyboum» était commencé...
Moi aussi j’ai fait ma part en ces années 52 à 64.
Ma «principale activité»? «La maternité»!, en suivant le mouvement des babyboomers.
En 52, 54, en 60 et 64 je mettrai au monde quatre autres filles, en espérant à chaque fois que la lignée des Danzé ne s’éteigne pas Ni pilules ni méthode appropriée ne me convenait, la nature seule commandait !
Tout comme les mères de ces années, je me suis résignée à ce régime d’enfantement. J’ai quand même trépigné quelquefois car étant plus jeune que Pierre d’une vingtaine d’années, je trouvais qu’il travaillait dur et je pensais à l’avenir. J’ai participé à ma façon aux frais du ménage. Je n’ai jamais manqué une occasion de faire de la couture pour les voisines. Quel bonheur le jour où j’ai acheté une machine à coudre d’occasion. Ce fut un bel investissement.
Je découvrais la vie au Québec.
L’École et son enseignement? Faiblesse à tout niveau. L’âge d’entrée : pas avant six ans…beaucoup trop tard…Je réussi à trouver une maternelle privée très rare en ces années, où elles ont bénéficié de la lecture et l’écriture à partir de quatre ans.…
Il y avait plus d’instruction religieuse que de matières scolaire proprement dite. Aucun livre de sciences. La géographie : un petit fascicule de quelques pages. L’histoire : quelques batailles avec les Indiens, les iroquois et les missionnaires. À la troisième année d’école mes filles ont eu droit à un dictionnaire dont il manquait les meilleures pages coupées volontairement. Par exemple tout ce qui avait trait au «nu», œuvres de peintres célèbres tel le plafond de la chapelle Sixtine de Michel-Ange … coupé au ciseau !!! Les planches d’anatomie du squelette humain avec détails du corps ! Coupé.
Il a fallu compenser à la maison cet enseignement navrant. Aucun livre à la maison ne leur était défendu. Nous avons été abonnés à Paris-Match durant des années. La politique française et internationale était à leur portée.
Les religieuses enseignantes n’avaient pas toutes des diplômes. Il leur suffisait d’avoir le costume et on leur donnait une classe d’élèves avec un petit mode d’emploi!
J’allais de surprises en surprises. A une première réunion de parents à l’école, j’eus la surprise d’y voir le curé en première ligne??C’était ainsi!
L’ouverture de la réunion commence par l’hymne national canadien. «Le Ô Canada»!
Tout le monde debout. Blandine aussi. Je connais quelques bribes de paroles par les enfants et je chante du bout des lèvres. Ha! Mais ça n’a pas la saveur de «La Marseillaise» pour moi. Donc je peux dire que je chantais à contrecœur. Point de fierté pour moi encore d’entonner cet hymne.
Quand devient-on un vrai canadien ou québécois de cœur? Ça prendra quelques années. Après y avoir lutté, travaillé, voté pour défendre mes idées côte à côte avec les gens du pays. Il y a quelques années que je le chante maintenant avec ferveur même si «les gens du pays» de Gilles Vigneault me tient plus à cœur.
Une fois par année en regardant la télévision à TV5, au défilé du 14 juillet, un petit frisson me traverse encore en écoutant «La Marseillaise».
Tandis qu’à tout moment de la journée quand un air breton me traverse l’esprit, je donne alors libre cours à mon souffle raccourci afin de renouveler la vibration toujours présente même après soixante et deux ans d’exil!