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Pour que l'histoire vive
8 juin 2013

Mémoire collective et sélective

Ies saints guérisseurs

Vie des saints

La page 3 de mon livre «la vie des saints» Hélas la couverture est irrécupérable.

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Carte du cap Sizun .

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Saint Tugen, la légende dit qu'il avait préféré garder des chiens enragés plutôt que sa soeur dont il avait la garde.

C'est ainsi qu'il est devenu le patron des chiens enragés.

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Notre Dame des Naufragés.En marbre de Carrare,oeuvre du sculpteur Godebsky. La légende orale du Cap Sizun dit qu'elle pèse

13 tonnes , socle compris; mais les écrits ne mentioonent que 11.

le bon voyage

Notre Dame du bon voyage . Eh! oui ce sont bien les 2 soeurs Meil, encore vivantes, Annette à droite  et Blandine à gauche.

 

 

 

La mémoire collective n'est pas  transmise  par les manuels scolaires. Elle l'est surtout par les contes, les chansons, par des objets, par des évènements. La mienne qui suit est sûrement sélective.

Point de romans à la maison mais une quantité d'objets qui portaient chacun leur histoire selon leur importance. Le calendrier des PTT -poste, télégraphe, téléphone- je ne sais s'il existe encore tel que nous l'avons connu. Il contenait une foule d'information; outre la date et le saint du jour, une page indiquait l'heure des marées, du flux et du reflux, les dates d'équinoxe, les phases de la lune, les jours de foire fixes et mobiles. La foire aux chevaux, le marché aux cochons, les marchés d'Audierne, Pont-Croix ou Landerneau. L'heure des marées,  très importante pour les pêcheurs côtiers, mais aussi pour les fermiers quand il s'agira d'aller ramasser le varech pour fumer les terres. Les phases de la lune utiles pour la germination, la moisson, la coupe du foin.

Nous recevions aussi l'Almanach François que l'on se procurait à la pharmacie une fois par an. Là nous lisions quelques historiettes romancées, des blagues, jeux  et devinettes. On y trouvait en outre de la publicité (nous disions: de la réclame) pour du sirop, des pastilles et tout ce qu'une pharmacie pouvait mettre en vente sans ordonnances : Pansements de gaze, sparadrap, teinture d'iode pour la désinfection, du bleu de méthylène pour  la gorge, des pommades réparatrices, de l'éther, de l'eau oxygénée, et la fameuse huile de morue, en hiver! ce fortifiant naturel que Maman réussissait à nous faire avaler une cuillerée tous les matins malgré son mauvais goût, assez pour en avoir des haut-le-cœur!  mais l'attrait de la barre de chocolat qui suivait finissait par convaincre la plus résistante d'entre nous!

Le petit catéchisme en breton, c'est avec lui que nous avons appris à lire. Former des syllabes et former des mots et comme c'était cette langue que nous parlions, c'est ainsi que nous avons appris à lire. Cela m'a servi en entrant à l'école communale  au bourg de Primelin, car d'après ma mère j'ai appris à lire et à parler  le français dans ma première année. Comme Rosalie et Bernadette avait déjà trois ans d'école avant moi, sûrement que mon oreille était habituée à quelques sonorités. Maman parlait le français,  mais le langage de la terre, des métiers, de la nature était en breton. Elle pouvait bien me dire : Viens on va troc'hé du guéot (couper de l'herbe) pour la vache. Ou bien : An ael zo e kornog, ar glao so tost,(le vent est du sud-ouest,la pluie n'est pas loin) va mettre ton capuchon. Quel travail pour les institutrices de ce temps-là? Elles devaient être bilingue pour enseigner à la première année et corriger notre diction.  Nous n'avions pas le droit de parler en breton aussitôt le porche de l'école franchi. Sur le chemin de retour à la maison, le breton reprenait vite sa place, car nous aussi, distraites par les bruits de la nature autour de nous, soit le bruit des vagues au Loch, ou le vent dans les branches du heulac'h-hêtre- ou du -derow- chêne, les mots à prononcer reprenaient leurs places dans la langue de la nature.

«La vie des Saints»! 896 pages, du Père Madec. Une lecture par jour, un saint pour chaque jour de l'année. C'est grâce à lui  que nous avons appris à lire correctement le breton. Nous étions une des dernières famille à avoir garder cette coutume de lire le livre «La vie des Saints» à la veillée et de dire les prières du soir et du matin ensemble à genoux sur la terre battue. Pour apprendre le catéchisme nous allions à l'église une heure par semaine où le vicaire nous faisait l'enseignement religieux. Là nous avions le choix du catéchisme en Français ou en breton. À l'école le petit catéchisme devait être bien caché au fond de notre pupitre. A ma première communion à 12 ans, j'ai été choisie pour lire un texte en breton devant la paroisse réunie  dans l'église.  J'avais reçu en récompense « la vie de la petite Thérèse de Lisieux» avec mon nom écrit au dactylo en deuxième couverture. Quelle nouveauté! Quelle fierté, un livre pour moi seule!  Ce n'est qu'au catéchisme qui se donnait à l'église que nous côtoyions les garçons de notre âge. Il y avait les bancs des filles et les bancs des garçons. Nous recevions le même enseignement. Le choix d'étudier en Français ou en breton était libre. Et comme nous parlions les deux langues, le vicaire pouvait donner son enseignement soit en français, soit en breton.

A l'école nous étions séparés. Il y avait l'école des filles avec des institutrices et l'école des garçons avec des instituteurs. Les deux écoles étaient séparées par un mur de pierre.

 

 Les fêtes religieuses faisaient parties de nos rites et coutumes. Chaque eau de fontaine avait un pouvoir de guérison que l'on attribuait au Saint- patron de la chapelle construite sur les anciens lieux de culte celte et druidique.

Les Rogations: où l'on chantait les litanies  en implorant Saint-Chrysante de bénir la terre et ses récoltes. Nous vibrions pendant ces chants répétés par l'écho de la vallée du Steir, autant que les fans de Céline Dion au stade Molson!.  

Les Rameaux: le buis et le laurier étaient les plantes choisies pour être bénies ce dimanche là. Chaque propriétaire allaient ensuite planter une petite branche bénie au bout de son champ pour attirer les bénédictions du ciel sur les récoltes. Une autre branche prenait place  dans un coin du vaisselier . En cas de mortalité dans l'année, la branche servira à bénir le mort, on la placera alors dans une assiette blanche dans le fond de laquelle on mettra un peu d'eau bénite.

Les Saints! Nous suivions les saisons en fêtant le saint du dimanche mais c'est surtout en été, le jour du pardon du Saint, où l'on allait en pélerinage aussi loin que Sainte Anne La Palud. C'était l'occasion pour les jeunes gens de se rencontrer. J'ai été à presque tous les pèlerinages du Cap. Il y avait l'immanquable pardon de N.D des  Naufragés à la Pointe du Raz, avec sa statue de 13 tonnes  impressionnante, en marbre de carrare, (Intron varia bez ar raz)et son cantique en breton que tout bon pèlerin devait chanter.

Intron varia beg ar raz, dirazoc'h  e ma ar mor bras, var or listri var or bagou, savit o torn len a c'hrasou.!

Tout comme celui de Notre dame du  Bon voyage à Plogoff sur la colline face au Loch. ( Intron varia ar veach vad) Intron varia ar veach vad, on henchit var ar  mor bras dreiz pep tra mirit or bagig pa viom o tremen ar raz. C'était au temps des premières fraises, les bonnes fraises rouges de Plogastel. Il y avait toujours rassemblement des gitans et de leurs manèges,  mais ils devaient se taire le temps de la procession  et du sermon de l'Évêque sur le piédestal de la croix, sur cette jolie colline sorte de promontoire d'où l'on avait vue loin à l'horizon sur  sept sanctuaires dédiés à la Vierge marie.          

Celui de Notre Dame de Langroas était parmi mes préférés car il se trouvait sur l'autre versant du Steir en face de kerscoulet. Donc pas trop loin. Et quel plaisir d'aller ensemble avec les jeunes gens du village Rosalie et moi. Celui-là est toujours le premier dimanche de septembre. La vallée du Steir embaumait de toute sa floraison en cette saison. Nous descendions le versant côté Kerscoulet en vitesse car c'était abrupte, ensuite il fallait monter l'autre versant en peinant mais nous faisons des arrêts le temps d'une chanson et on repartait bras-dessus bras dessous. «On peut écouter le beau cantique à «Notre Dame de Langroas» sur internet». Je l'écoute quelquefois, lorsque la nostalgie me prends. Nous y restions le temps des vêpres et de la procession, le temps d'un café sous la tente et l'achat d'une pâtisserie, puis nous revenions par le même chemin épuisés par la longue randonnée. Étions-nous ferventes et  pieuses ?pas trop! C'était plutôt un rituel. Nos parents ont été plus pieux que nous. Dans ce coin de Bretagne avant 1900, peu de gens étaient scolarisés et les prêtres ont eu une grande influence religieuse sur les gens..  J'aimais quand même suivre la procession en chantant. Il y a quelque chose de mystérieux à entendre ses chants répétés par l'écho des vallées du Steir. Les celtes l'avaient bien découverts avant nous, ces endroits de vibration terrestre!.

Au mois de Juin il y a le pardon de Saint Tugen protecteur de la rage. Là c'était un grand pardon avec les marchands sur la grand place. Les gitans arrivaient une semaine avant, en roulotte à cheval. Ils allaient par les villages vendre leurs services, souvent de rétameur. Ils soudaient les casseroles en émail pour quelques centimes. Ils essayaient de vendre ou d'échanger  leurs chevaux devenus trop vieux. Ils tressaient aussi des paniers en osiers. Souvent on les traitait de voleurs.  Toujours est-il que Saint-Tugen continue à protéger de la rage. On y vend encore des petites clefs en plomb et la légende dit: si vous rencontrez un chien enragé, jeter lui la clef et le temps qu'il prendra à la mâcher  vous donnera le temps de fuir...Dans ce temps-là il y avait beaucoup de chiens errants. A Saint-Tugen, la procession  si le temps était calme allait jusqu'au Trez face à la mer. Quelquefois il fallait lutter à contre vent avec les bannières, mais la ferveur des gens  avait raison de la température et le sermon «crié» par  le prêtre pour se faire entendre par-dessus le vent, était impressionnant.

 Les paroles du cantique disent:  le dimanche  avant la Saint-jean, durant le mois de Juin, a lieu chaque année le pardon de saint-Tugen. Beaucoup de pèlerins y accourent pour y prier le saint évêque Saint-Tugen, le Saint béni !

«D'ar zul arok goel san yan da genvar miz even, ar rer beup ploas  ar pardon e chapel sant tugen, kalz a bélérined a zeu di da bedi an aotrou san tugen. san tugen béniguet!»

En Septembre il y avait la Saint-Michel, et le temps de renouvellement des baux pour ceux qui avait des terres louées. Mais aussi la foire des ouvriers agricoles, engagés. Ceux qui voulaient changer de ferme à ce moment là y allaient et vantaient leurs mérites de travailleurs, ils dévoilaient leur C.V aux fermiers à la recherche de bons ouvriers.

Notre livre de cantiques breton: J'ai toujours aimé chanter en breton et bien sûr ce petit livre nous en fournissait l'occasion. Il y en a un spécial qui me turlute souvent dans ma tête surtout dans mes promenades au jardin botanique de Montréal où j'y vais souvent pour me saouler de nature. C'est le cantique dont les paroles sont dit-on de Saint Bernard lui-même.

Aman pell diouz an trouz, hag or savar ar bed, ar maesiou am ch'ellen ker koulz , hag an habila doctored.

An dour red heb ehan , a dreuz ar bokedou, me ivez a dre kemer poan da brofita euz gras Doue

Ici loin de tout bruit, et de tous les tourments du monde, la nature m'enseigne autant, que les plus habiles enseignants.

L'eau coule sans cesse, à travers les buissons, moi aussi je dois veiller  et profiter de toutes ces grâces de Dieu!

Notre livre de messe:  C'est en le lisant que nous avons appris nos prières en latin assimilant ainsi quelques notions de cette langue. Car ce livre pouvait être en latin et Français ou latin et breton.

Maman avait une belle voix pour chanter. Elle nous a appris des chansons anciennes que je n'ai pas réussi à trouver sur le Net d'aujourd'hui.

En voici deux que je chante encore :

D'où venez-vous Perrine !

D'où venez-vous Perrine , Diouz ar vellin, diouz ar ch'oat?  ( du moulin ou du bois?)

D'où venez-vous Perrine  ,gant ô poutou koat!   (avec vos sabots de bois)    

Je r'viens de la noce diouz ar vellin diouz ar ch'oat!

Je r'viens de la noce gant va boutou koat! (avec mes sabots de bois)

Que faire à la noce, diouz ar vellin diouz ar ch'oat?

Que faire à la noce ,gant ô poutou koat?

Danzer la gavotte, diouz ar vellin diouz ar ch'oat!

Danser la gavotte gan va boutou koa!

(fin)

Les veillées!

1-

Sous le vent d'hiver par les blancs chemins pour faire la veillée

Nous allons gaiement serrant en nos mains, les blanches quenouillées

refrain:

Le rouet s'agite mon cœur est joyeux, plus vite tourne à mes yeux

Petits doigts agiles filez tour à tour, je file, je file toujours.

2-

Filer pour le pauvre et pour l'orphelin et puis vite à l'ouvrage

Filez robes et coiffes et nappes de lin, c'est pour mon mariage

refrain:

Le rouet s'agite mon cœur est joyeux, plus vite tourne à mes yeux

petits doigts agiles filer tour à tour, je file, je file toujours...

3-

Mais chaque matin très discrètement sait-on ce que vous faites

C'est le bonnet fin que la grand maman doit mettre pour sa fête!

Le rouet s'agite..... la la la la

Il doit y avoir d'autres couplets mais mon souvenir s'arrête ici....

 

Les statues:  Souvenir d'un pèlerinage ou d'un gain de tombola, dans presque chaque chaumière se trouvait une statue religieuse. Chez nous à Kerscoulet il y avait sur le buffet du vaisselier une statue de Notre Dame de Lourdes. Elle avait sa place entre deux photos encadrés représentant l'une et l'autre  de nous en communiante. Une autre statue de Sainte Anne, en faïence de Quimper avait sa place dans une niche spécialement encastrée pour elle dans le fronton du lit clos. Ha! ces belles faïences de Quimper que l'on s'arrache aujourd'hui sur le marché des antiquités. La statue de sainte Anne provenait soit de Sainte Anne La Palud ou Sainte Anne d'Auray.

Lorsque qu'au Québec ou j'habite, je suis allée pour la première fois au sanctuaire de Sainte Anne de Beaupré, construite par des colons venus de Bretagne, au bord du grand fleuve Saint-Laurent, j'ai été émue jusqu'aux larmes. Il y a là, à la  base du plafond une immense fresque faisant le tour  de la chapelle et représentant toutes les statues du monde dédiées à Sainte Anne. Quelle ne fut ma surprise quand j'ai aperçue Sainte Anne d'Auray. Je crois qu'il faut être bretonne comme moi et loin de son pays pour comprendre mon émotion.

 

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Commentaires
E
Je te lis ici. Il y a plein de souvenirs qui remontent en toi en écrivant cette longue note. Bonne soirée Blandine. Chez nous il commence à faire noir à cette heure. On va changer l'heure ce week end. Il fera noir vers 17 h 30 au lieu de 18 h 30...... ça sent l'hiver. Bisous.
Répondre
M
Comme d`habitude , c`est très bien écrit et surtout intéressant a lire Bravo encore à toi maman <br /> <br /> xox
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  • Au fil de ma vie j'ai accumulé des feuilles volantes de mon histoire, de mon parcours. Il s'en trouve dans des cahiers, et depuis quelques années dans les fichiers de mon ordi. je veux les partager et ainsi faire revivre l'histoire!
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