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Pour que l'histoire vive
18 avril 2015

L'Abénaki

2 abénaki

chef Abenaki

Conteur: Jean-François de Saint-Lambert(1716- 1803)

Pendant les dernières guerres de l'Amérique une troupe de sauvages Abénakis défit un détachement Anglois; les vaincus ne purent échapper à des ennemis plus légers qu'eux à la course et acharnés à les poursuivre, ils furent traités avec une barbarie dont il y a peu d'exemples, même dans ces contrées.

Un jeune officier Anglois pressé par deux sauvages qui l'abordoient la hache levée, n'espéroit plus se dérober à la mort. Il songeoit seulement à vendre chèrement sa vie.. dans le même  temps un vieux Sauvage armé d'un arc s'approche de lui et se dispose à le percer d'une flèche; mais après l'avoir ajusté tout d'un coup il abaisse son arc et court se jeter entre le jeune officier et les deux barbares qui alloient le massacrer, ceux-ci se retirèrent avec respect.

Le vieillard prit l'Anglois par la main, le rassura par ses caresses et le conduisit à sa cabane où il le traita toujours avec une douceur qui ne se démenti jamais ; il en fit moins son esclave  que son compagnon; il lui apprit la langue des Abénakis et les arts grossiers en usage chez  ces peuples. Ils vivoient  fort contents l'un de l'autre. Une seule chose donnoit de l'inquiétude au jeune Anglois. Quelquefois le vieillard fixoit les yeux sur lui et après l'avoir regardé il laissoit tomber des larmes.

Cependant au retour du printemps les sauvages reprirent les armes et se mirent en campagne.

le vieillard qui étoit encore assez robuste pour supporter les fatigues de la guerre, partit avec eux accompagné de son prisonnier.

Les Abénakis firent une marche de plus de deux cent lieues à travers les  forêts; enfin ils arrivèrent à une plaine  où ils découvrirent un camp d'Anglois. Le vieux Sauvage  le fit voir au jeune homme en observant sa contenance.

Voilà tes frères lui dit-il, les voilà qui nous attendent pour nous combattre. Écoute, je t'ai sauvé la vie; je t'ai appris à faire un canot, un arc, des flèches, à surprendre l'orignal dans la forêt, à manier la hache et à enlever la chevelure à l'ennemi. Qu'étois-tu lorsque je t'ai conduit dans ma cabane? Tes mains étoient celle d'un enfant, elles ne servoient ni à te nourrir ni à te défendre, ton âme étoit dans la nuit, tu ne savois rien, tu me dois tout. Serois-tu assez ingrat pour te joindre à tes frères et pour lever la hâche contre nous?

L'Anglois protesta qu'il aimeroit mieux perdre mille fois la vie que de verser le sang d'un Abénaki.

Le Sauvage mit les deux mains sur son visage en baissant la tête et après avoir été quelque temps dans cette attitude,il regarda le jeune Anglois et lui dit d'un ton mêlé de tendresse et de douleur: As-tu un père? Il vivoit encor dit le jeune homme lorsque j'ai quitté ma patrie. Oh! qu'il est malheureux! s'écria le  Sauvage  et après un moment de silence il ajouta: Sais-tu que j'ai été père ?... je ne le suis plus. J'ai vu mon fils tomber dans le combat, il étoit à   mon côté, je l'ai vu mourir en homme; il étoit couvert de blessures, mon fils, quand il est tombé. Mais je l'ai vengé... Oui je l'ai vengé. Il prononça ces mots avec force . Tout son corps trembloit. Il étoit presque étouffé par des gémissements qu'il ne vouloit pas laisser échapper. Ses yeux étoient égarés, ses larmes ne couloient pas . Il se calma peu à peu et se tournant vers l'orient où le soleil alloit se lever, il dit au jeune  Anglois: Vois-tu ce beau ciel resplendissant de lumière? As-tu du plaisir à le regarder? Oui, dit l'Anglois, j'ai du plaisir à regarder ce beau ciel! Eh  bien! ... Je n'en ai plus dit le Sauvage , en versant un torrent de larmes. Un moment après il montre au jeune homme  un manglier qui étoit en fleurs. Vois-tu ce bel arbre lui dit-il? as-tu du plaisir à le regarder? Oui, j'ai du plaisir à le regarder. Je n'en ai plus, reprit le Sauvage avec précipitation et il ajouta tout de suite: Pars, va dans ton pays, afin que ton père ait encore du plaisir  à voir le soleil qui se lève et les fleurs du printemps. 

Fin du conte. J'ai laissé les verbes en français ancien tel qu'écrit !

-Contepourtous.com

Ps:Quelle belle leçon de la part de celui qu'on appelait le Sauvage

Blandine Meil

 

 

.

 

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Commentaires
E
Plein d'émotion dans cette histoire. J'ai cru au début que le Vieux sauvage voyait en le jeune anglais son fils. Merci beaucoup Blandine pour ces contes.
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B
Quel beau conte, j'ai vite été prise par l'histoire.<br /> <br /> As-tu eu l'occasion de lire "Le fils de l'Irlandais" écrit par Georges D'or l'auteur de la chanson la Manic?<br /> <br /> C'est une très belle histoire où on rencontre les Abénaki de la réserve d'Odanak. Je te le recommande.<br /> <br /> Bisous et amitiés
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A
Encore une belle histoire que j'ai eu grand plaisir à lire, merci Blandine, je te souhaite une douce fin de journée et je t'embrasse XXX
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C
Belle leçon et n'est pas sauvage celui que l'on croit . <br /> <br /> <br /> <br /> Le vieux français est toujours étonnant . Lors de mes incursions aux Archives nationales à Paris , je me battais contre la forme des lettres (F=S !) aux points d'être obligée d'apprendre à déchiffrer. Pour le gothique j'ai du faire appel à un ancien "décodeur" de textes de la guerre de 39/40 .Des renseignements secrets, devenu généalogiste .<br /> <br /> <br /> <br /> Bises et bonne semaine .
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M
Bon dimanche Blandine, il serait intéressant de positionner les chefs d'état ainsi que leurs enfants, sur les lignes de front ! Ceci dit, ils s'arrangeraient certainement pour être épargnés d'une façon ou d'une autre.
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Pour que l'histoire vive
  • Au fil de ma vie j'ai accumulé des feuilles volantes de mon histoire, de mon parcours. Il s'en trouve dans des cahiers, et depuis quelques années dans les fichiers de mon ordi. je veux les partager et ainsi faire revivre l'histoire!
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