Ils m'ont appris !
Ils m'ont appris !
(suite des Ateliers d'écriture)
Dans un dernier texte je vous ai parlé de mes ateliers d'écriture. Le but des ateliers étaient de raconter ses mémoires ou raconter son histoire. Car l'histoire que l'on connait le mieux est celle de notre propre vie avec son parcours où l'on trébuche souvent pour mieux se relever et d'où l'on sort plus fort, en expériences.
Autant je leur ai appris sur la façon d'écrire, autant ils m'en ont appris sur l'histoire du Québec et ses régions riches en histoire humaine. Ils étaient tous retraités et refusaient de rester assis dans leur chaise berçante, le goût toujours d'apprendre et de vivre était leur moteur principal. Ils étaient nés la plupart dans des régions rurales, ayant connu comme moi, le temps d'avant toute modernité.
La Gaspésie. La Beauce. Les Bois francs. L'Abitibi. Le lac Saint-Jean. Ces régions les avaient vu naître et ils ne tarissaient pas d'anecdotes sur les modes de vie de leur jeunesse; Jeunesse dont leur cœur était encore rempli.
Je pense à Raymonde aujourd'hui décédée dont les parents avaient été défricheurs en Abitibi. À l'âge de cinq ans, dans une petite école de rang, elle avait eu comme infirmière visiteuse, la vraie « Blanche Pronovost » de la série télévisée : «Les filles de Caleb».
(Cinquième enfant d'Émilie et Ovila, Blanche Pronovost (née en 1908 et disparue en 1994), qui fut bel et bien infirmière en Abitibi, est la mère de l'écrivaine Arlette Cousture, qui s'est inspirée de son histoire familiale pour écrire Les filles de Caleb.)
Je buvais leur récit qui m'ouvrait les yeux sur la vie au Québec, mieux que tout ce que j'avais lu jusque là!
Je pense à Gaby qui nous a raconté l'histoire de son petit-fils Inuit donné à sa fille par une famille du Nunavut. Le petit garçon leur a été donné par sa mère naturelle. Chez ces peuples on ne donne pas ses enfants en adoption ,on choisit la mère qui l'élèvera et on lui offre le bébé. Ceci dans le cas où la mère en a déjà plusieurs et ne pourrait lui offrir une vie décente. L'enfant quand il retourne au Nunavut est toujours reçu chez ses parents naturels parmi ses frères et sœurs comme un des leurs. Quelle histoire touchante!
Je revois le sportif Jean, champion de course en canots. Retiré trop tôt à 9 ans de l'école pour aider son père à bâtir leur maison. Il a appris «sur le tas» à la dure et a fini par dessiner son propre plan de maison plus tard. Tout craintif au début dans les premiers ateliers car il n'avait qu'une quatrième année d'école! mais quelles anecdotes savoureuses décelai-je dans ses récits à l'écriture hésitante.Je l'encourageais en lui disant que les plus grands écrivains ont leur correcteurs. Et quel courage pour s'inscrire à un atelier d'écriture!
Il y a eu Jeanne, infirmière à Mont-Laurier. A sa première semaine de travail, toute jeune infirmière sans expérience, elle a été marqué par le décès de son premier malade , un jeune homme se mourant de la tuberculose. Il venait de Saint-Pierre et Miquelon . Donc personne ne le visitait vu l'éloignement. Cela avait marqué notre jeune infirmière Jeanne . Bien des années plus tard, Jeanne à la retraite en voyage avec son mari, aux îles de Saint-Pierre et Miquelon voit sur la vitrine d'un restaurant un drôle de nom de famille qu'elle n'avait vu qu'une fois dans sa vie. Elle entre et questionne les gens en disant qu'elle avait connu un certain jeune homme de ce nom dans un hôpital où elle avait travaillé. Après bien de discussions, le restaurateur lui dit: Moi je ne suis qu'un parent éloigné mais je peux faire venir sa vieille mère afin que vous puissiez lui raconter votre histoire. Imaginez les émotions vécues par cette femme car une personne venue en touriste était là à lui narrer comment son fils n'avait pas été seul dans ses derniers jours, qu'un ange lui avait tenu la main et fermer les yeux....
Il y a eu Gisèle née sur une ferme en Beauce. Pensionnaire très tôt chez les religieuses et à 16 ans enseignant à la petite école du rang à ses frères et sœurs ainsi qu'à des étudiants guère plus jeune qu'elle. C'était ainsi dans le Québec profond. Plus tard elle se dirigea vers des études d'infirmières et travailla jusqu'à sa retraite à l'hôpital Maisonneuve. Gisèle a fait un bond en s'inscrivant aux ateliers d'écriture. Elle est allé jusqu'à la publication de la vie de sa famille «La famille Giguère au fil du temps». Tout l'atelier était invité au lancement de son livre. Elle nous enseignait sur ses démarches de publication tout du long à partir de la demande du numéro ISBN. Ce qui nous a enrichi de cette expérience de publication à compte d'auteur.
Il y eut Marcelle sage- femme qui dut aller étudier en Angleterre pour avoir son diplôme de médecin accoucheuse, cette spécialité n'était pas reconnue à L'Université de Montréal. Elle a travaillé plusieurs années en Afrique. Quel parcours! Et quelle écriture! je lui souhaite de publier.
Il y a eu Roger et la publication de «Regard sur une enfance paysanne»... www. éditionspourtous.com
Roger a fait carrière comme ingénieur et professeur à l'École polytechnique de Montréal; Il a aussi agi à titre de consultant des Nations Unies en matière de coopération internationale. Imaginez ma stupéfaction en le voyant arriver dans mes ateliers avec tant de bagages de vie! Je m'en étais ouverte à la coordinatrice des activités dont mes ateliers faisaient partie. Sa réponse avait été : «Il a sûrement quelque chose à apprendre vous ».
Plus tard il m'a répété qu'il avait suivi plusieurs ateliers d'écriture mais qu' aucun d'eux ne lui avait donné autant de satisfaction que les miens. Jamais jusque là personne ne lui avait annoté ses exercices comme je le faisais.
Nous avions en commun « la culture des champs» qui est la même que l'on soit né au Québec ou en Bretagne. Je leur ai ajouté « La culture des mots». Ils m'ont appris l'histoire du Québec de 1920 à 1950... J'ai partagé avec eux la Bretagne de ma jeunesse. Ce fut un beau partage.
Blandine Meil