Il était une fois
A rue Kreiz ker, la rue du milieu du village.
Heureusement que nous avons nos poètes pour nous réveillez notre mémoire.
Théodore Botrel:
«Les chemins bretons sont des fantaisistes,
ils vont de travers au lieu d'aller droit» dit la chanson.
Lorsqu´en les jardins s´ouvrent les pervenches
Ils sont aussi beaux, les chemins bretons
Avec leurs fleurs d´or, avec leurs fleurs blanches
Les chemins bretons ont des hannetons
Bourdonnant le soir comme des abeilles
Et des chants d´oiseaux dits sur tous les tons.
Mettrai-je enfin un terme à mes récits sur Kerscoulet ? Je me dis: je n'ai plus rien à dire et puis suite à une lecture, un thème s'impose. Mon imagination déborde et il devient urgent de trouver un crayon ou de m'asseoir devant mon ordi.
A kerscoulet nous n'avions ni nom de rue ni numéro de maison.
L'adresse était : Un tel : kerscoulet, Primelin et le facteur connaissait chaque habitant, chaque famille. Il frappait à la porte qui était rarement fermée et déposait le courrier. Souvent il n'y avait personne , les gens pouvaient être dans le fond du jardin ou dans les étables. Rares étaient les maisons possédant une boite à lettres.
A kerscoulet il y avait au fait deux rues. Ar rue Wraz -la grande rue-, celle qui traversait le village et allait jusqu'à penn ar roz- la fin du village au bout de la colline. De là partait un autre chemin qui allait au moulin et dit: hent ar weill- le chemin du moulin.
Ar rue Kreiz ker - la rue du milieu du village . C'est sur dernière qu'était située notre maison.
Les vieux ne disaient pas ar rue (C'était déjà du français ) Ils disaient: an hent -le chemin -.
Il pouvait y avoir : an hent goz, an hent don- le vieux chemin et le chemin creux.
La route nationale c'était an hent braz-le grand chemin.
Bon il serait temps de les renommer ces chemins creux, et ces grands chemins !. Peut-être faudrait -il que je fasse la suggestion «A qui de droit». On pourrait en nommer un en mon honneur. Car j'approche de mes 10,000 lecteurs qui ont passé depuis Avril 2013. Qui ont tout lu et commenté le récit de ma vie à kerscoulet...
Mes petits-enfants m'ont souvent demandé : Comment s'appelait ta rue grand-mère quand tu étais jeune ? Comment leur faire comprendre à ces enfants nés dans une grande ville d'Amérique du Nord, que ma rue n'avait pas de nom? Ni numéro de maison. Le nom du village et de la paroisse suffisait pour nous trouver. De là mon besoin de leur raconter ma vie de petite fille dans un joli village de Bretagne où la vie coulait au gré des saisons et de la nature. Où il y avait un temps pour socialiser avec les voisins tout en vacant aux travaux des champs .
Ce ne sont pas seulement mes enfants et mes petits qui me lisent. Il y a plusieurs lecteurs dont les parents ont vécu à kerscoulet et qui aujourd'hui se promènent à travers le monde . Ils sont nombreux à me commenter. Pour d'autres c'est par les statistiques de mon blog que je vois leur passage .Parmi mes lecteurs et commentateurs, certains me disent qu'ils aiment retourner dans ce lieu chéri de leurs grands-parents car l'histoire que je raconte et celle héritée de leurs aînés se recoupent. Ils me racontent les chœurs de chants qui résonnent toujours dans la vallée. L'aboiement d'un descendant d'Idéfix au village, le chant du coq ,où le geste d'un vieillard faisant semblant de balayer sa cour, tout en jetant un regard par en dessous à l'étranger qui ose s'aventurer dans son village qui ne s'anime plus que l'été.
Un lecteur voulant me prendre au mot m'a dit qu'il avait chercher ce lieu sur Google Map. Chacun me raconte son plaisir, son histoire similaire où d'autres retenues de leurs grands-parents. Les vieux murs ont des oreilles et les pierres savent parler à qui sait les déchiffrer.
Comme, en se signant, l´assurent les vieilles
Les chemins bretons, peuplés de lutins
Lorsque vient la nuit, sont pleins de merveilles
Les chemins bretons ne sont pas certains
De bien savoir où le bon Dieu les mène
Qu´importe! Ils s´en vont vers de gais lointains
N´est-ce pas ainsi qu´est la vie humaine?
Ainsi, je sais que le cœur de Kerscoulet bat encore au rythme des descendants qui y passent.
Blandine Meil