Vivre en autarcie
En regardant «Rendez-vous en terre inconnue» , en réfléchissant à ces peuples africains et autres coins de la planète, vivant en autarcie, se suffisant presque à eux mêmes, je me suis vue à kerscoulet dans les années 30, 35.
Notre petit monde nous suffisait. La grande ville était loin et seuls les adultes allaient à la foire ou au marché et nous rapportaient ce qu'ils avaient vu et entendu de la bouche d'étrangers car en dehors du village ou de la paroisse tout nous était étranger.
Lorsque nos fûmes assez grandes, peut-être vers dix ou douze ans nous avions le droit chacune à notre tour d'accompagner maman au marché ou à la foire. Nos yeux s'ouvraient tout grands alors devant les gens de la ville, ou d'autres comme nous venus y faire nos emplettes. Sur la grande place de foire il y avait toujours des attractions. Soit un nain que l'on exhibait dans une cage, ou un homme accroupi dans un panier car n'ayant point de jambes ???... «Approchez mesdames et messieurs, vous aller voir ce que vous n'avez jamais vu, c'est un miracle de la nature que cet homme soit encore en vie! Il est né sans jambes, mais il chante et il chantera pour vous si vous êtes assez nombreux pour le lui demander»; Là un adolescent souvent passait le chapeau pour récolter quelques piécettes... Lorsque l'infirme avait poussé quelques notes, l'animateur répétait son refrain encore : Circulez mesdames et messieurs car l'homme doit se reposer maintenant et il donnera une autre représentation dans une heure... et le rideau se fermait sur l'homme sans jambes qui devait peut-être se relever à ce moment là ayant retrouver l'usage de ses jambes...
En revenant au village chacun racontera l'histoire à sa façon tel qu'il l'aura vu et vécu!!!!
Une autre ressemblance avec ces peuplades de l'Inde ou de l'Afrique, c'était la nourriture sur la table. Le soir nous mangions de la bouillie de froment ou de seigle, ou de blé noir, suivant la saison. On la cuisait dans l'âtre sur un trépied dans une marmite en fonte. Juste du lait et de la farine. Lorsqu'elle était cuite on déposait la marmite sur un sous plat en bois, au centre de la table. Ce jour-là on ne mettait pas d'assiettes. Chacun avait sa cuillère et un bol de lait. Maman déposait un gros morceau de beurre au centre de la bouillie. Nous prenions une cuillerée de bouillie dans le bord et la plongions dans le beurre fondue ensuite. Puis, nous la trempions dans notre bol de lait froid avant de l'avaler. Le lait pouvait être, soit du lait de beurre ou du lait caillé. La sensation entre le chaud de la bouillie et le froid du lait était délicieuse.
Pourquoi n'avions nous pas d'assiettes ce jour-là? je crois que c'est par souci d'économiser l'eau de lavage de la vaisselle. Car l'eau était utilisé parcimonieusement puisqu'il fallait la tirer du puits et la ramener dans la maison par sceaux de dix litres. Pour le lavage des mains après le repas nous utilisions une bassine émaillée. Cette eau était récupérée ensuite dans la chaudière qui servira à faire la pâtée du cochon, mais seulement si nous n'y avions pas mis de savon.
L'eau savonneuse qui avait servie à notre toilette du matin était déversée sur le tas de fumier, rien ne se perdait. Les os des viandes que nous mangions, lapins, cochons ou boeufs les arêtes de poisson, tout finissait là par se désagréger. C'était le compostage du temps. Tout ce que les bêtes, vaches, cochons ou poules ne mangeaient pas finissait en compost sur le tas de fumier.... Et ensuite, ce fumier ira engraisser le champ ou poussera de retour, le blé, les légumes etc...
C'était bien avant le temps des déchetteries, celles que l'on connait aujourd'hui!
C'était avant l'ère de la surconsommation !
Bien sûre que je profite aujourd'hui de la modernisation! suis-je plus heureuse? que je ne l'était en ce temps là? J'aime bien ouvrir mon robinet d'eau chaude! J'aime réchauffer mon assiette au micro-onde et j'aime surtout mon chauffage électrique durant les gros hivers québecois.
Ce qui me reste de cet émission «Rendez-vous en terre inconnue» est la joie que ces gens démunis de tout confort font rayonner autour d'eux, au point que les animateurs ont souvent le cœur gros et la larme à l'œil en partant.
L'important c'est d'être heureux de ce qu'on est et de ce qu'on fait.
Blandine Meil