Vivre c'est faire face
Vivre c'est sans cesse se désagréger et se reconstituer. Changer d'état et de forme, mourir et renaître. Arnold Van Gennep 1909
Ce qui m'a aidé à passer au travers de mes difficultés, c'est l'opportunité qui s'est présenté à moi, de rencontrer des personnes qui vivaient aussi leurs difficultés personnelles.
En quittant mon emploi pour m'occuper de Pierre, j'avais quand même quelques heures de libre. C'était dans les années 75 à 80. Les centres pour femmes se formaient. J'avais répondu à une annonce dans le journal local qui disait: Vous avez quelques heures de libre? rejoignez-nous pour un café. J'ai été surprise de trouver là des femmes partageant leurs expériences de vie et s'impliquant à valoriser les nouvelles arrivantes. Le centre s'appelait «Le point de Montréal-nord». Des activités y étaient offertes du lundi au vendredi. La plupart de nous avions passées des années loin du marché de travail à éduquer nos nombreuses familles. J'ai pu y suivre des séries de rencontres sur« la femme devant la loi et la condition féminine». «Relations humaines». «Les sessions populaires d'engagement social au Québec». «La découverte des médias». « Des cours en animations », qui m'ont bien servis plus tard. Les loisirs n'étaient pas oubliés. Nous avons participé à des visites culturelles, Musées, et patrimoine, même en dehors de Montréal.
Ces cours m'ont été très bénéfiques dans ma situation avec la maladie de Pierre et celle de ma fille. J'ai trouvé de l'aide morale durant ces cours. Où aller pour demander de l'aide? à qui s'adresser? à quelle porte cogner? Trouver la force de la faire!
Un après-midi par semaine j'ai été en charge d'un groupe «les poivre et sel». J'ai animé ce groupe durant une ou deux saisons. Pour ma première rencontre, j'ai parlé de la Bretagne. Je me suis renseigné à la bibliothèque. J'avais fait un montage de mes cartes postales! et des objets en ma possession. Du Mont-Saint-Michel, à la Pointe du Raz aux alignements de Carnac! J'en ai appris beaucoup moi-même en faisant ma recherche. J'avais apporté mon vieux dictionnaire breton, une coiffe de Maman, son moule à beurre, mes ustensiles pour faire mes crêpes. Le tablier du costume de Maman, en velours noir brodé en couleurs. J'eus du succès , car nos rencontres étaient toujours publiés dans le «Guide de Montréal-nord»,le journal local de la ville qui était à ce moment une ville de 15.000 habitants.
Il n'y a que 30 ans de cela et déjà quels changements depuis ! Je pourrais aujourd'hui apporter mon ordinateur et les faire participer à la recherche.
Pierre est décédé en 1981 après deux ans d'hospitalisation!. Ses joies ont-elles été plus grandes que ses souffrances durant sa longue vie si remplie? Il a lutté de toutes ses forces contre les écueils qui l'ont bousculé. Il a été un mentor pour moi. Je me dois de faire face seule maintenant.
D'autres portes se sont ouvertes qui ont comblé mon besoin de nourrir mon esprit. Ce fut le cours nommé «retraite active» qui préparait le retour des aînés à l'école. Le cours se donnait au centre à raison un à deux jours semaine. Le Collège Marie-Victorin y déléguait ses professeurs si le nombre de participants dépassait la quinzaine. Géo, Histoire, sciences humaines, philo, socio, art, lettres,. Quels beaux échanges entre personnes ayant des vécus tellement différents! Quelles richesses acquises au contact de chacun et chacune ! J'ai encore des contacts avec quelques élèves de ces années. C'est toujours un plaisir de se revoir...
«photo: Élèves et prof, je suis la deuxième à partir de la droite, rangée du haut»
Blandine Meil