Une vie mouvementée- partie 2-
Une vie mouvementée, partie 2
Après leur mariage, le jeune couple, Pierre Danzé et Jeanne Le Bars vécu quelques jours à Kerneyen, Esquibien .
Ils avaient à kermaléro, Primelin, un oncle et une tante, Simon Poulhazan et sa femme Rose Yvenou. Les deux vivaient seuls dans la grande maison, et prenaient de l'âge. Ils avaient eu deux fils. L'ainé fut tué à la guerre de 14 tandis que le second, qu'on appelait le Père Poulhazan était missionnaire en chine. Ce dernier qui était donc l'héritier offrit à Pierre et à sa femme de venir habiter à kermaléro afin de prendre soin de ses parents et de l'administration de la ferme.
Cette exploitation agricole était louée à un métayer qui habitait l'ancien logis.
C'est ainsi que Pierre et sa femme vinrent habiter en ce lieu et plus tard héritèrent de la ferme.
Pierre mis donc son temps libre pour mettre à profit ses talents de créateur. Il s'associa avec un ouvrier pour créer une entreprise de monuments et stèles funéraires. Il obtint un permis d'exploiter le gravier du Loch.
Pierre inventa la brique de ciment. Il eut du succès avec ce matériau car le coût d'exploitation était moindre que l'achat de granit pour les constructions. Il ne fit jamais breveté son invention et s'aperçut des années plus tard que son idée avait presque fait le tour du monde.
Pierre n'avait vu dans son invention qu'une idée pour aider ses voisins.
Extrait du Blog de Hervé Thomas (histoire du Port du Loch.canalblog.com):
Pierre DANZE se lance en 1932 dans l'extraction de gravier et de galets à la grève de Pors-ar-Briec, à l'est du port du Loch. L'entreprise de cimenterie qu'il a créé alimentera en matières premières toutes les constructions du coin durant une dizaine d'années...
Au cap Sizun, existe encore dans quelques jardins des bordures de ciment dentelées entourant des parterres. C'était aussi les créations de Pierre Danzé. A mon dernier voyage au Cap des gens me les ont montré fièrement. Ils se souvenaient de lui comme d'un artiste.
Pierre et Jeanne ont eu quatre enfants. Jean né en 28, François en 3o, Henri qui n'a pas survécu en 33 et Marguerite en 36. Une belle famille et des gens heureux jusqu'en 1939 et la déclaration de la guerre, où tout réserviste doit se présenter à l'administration municipale.
Et voici donc Pierre encore à la guerre! Sur le front dans les Ardennes. Maitre artilleur pointeur. Fétu de paille transférer d'un lieu à l'autre, au plus fort des combats, jusque dans la tourmente de la débâcle.
De sa compagnie composée de 144 hommes ils se retrouvèrent à 4 vivants, ne sachant plus que faire sinon fuir devant l'avance Allemande, car plus personne pour les diriger. Ils errèrent plusieurs jours dans la désolation du pays ravagé, se nourrissant en cachette, en volant ou puisant là où ils pouvaient car tout le monde avait fuit. Le bruit couru dans le Cap Sizun que Pierre était décédé.
Tant que la nouvelle n'est pas officielle, il y a toujours de l'espoir.
Ils furent ramassés par les Allemands et dirigés vers Vannes dans le Morbihan où se trouvaient d'autres prisonniers dans l'attente de leur envoi vers les camps de concentration en Allemagne.
Il y fut prisonnier durant neuf mois. Puis un jour son numéro fut pigé mais cette fois non pas vers les camps de concentration mais vers la démobilisation à cause de son âge et son statut de père de trois enfants. C'était en 1941.
Enfin, le retour chez soi, mais pas dans la tranquillité d'esprit car Jeanne se meurt d'un cancer. Elle aussi vivait son lot d'inquiétude, seule avec Jean âgé de treize, François onze et Marguerite quatre ans.
Pierre devait se présenter une fois par mois à la kommandantur à Quimper. Il se devait de faire acte de présence au cas où sa liberté lui donnerai l'envie de rejoindre le maquis.
Le document que j'ai imprimé mentionne la date du dernier rendez-vous le 10 juillet 1944. Que de stress durant ces trois années de rendez-vous mensuels. Une crainte l'habitait chaque fois, car les Allemands étaient imprévisibles et suspicieux. Il pouvait l'arrêter sans aucune formalité.
Il y avait tous ces rendez-vous à ne pas manquer. Il y avait le quotidien à gérer. Pierre repris l'exploitation de la ferme à sa démobilisation. Je ne sais la raison, peut-être que le métayer était parti à la guerre lui aussi, il était donc urgent de reprendre le tout en main et de travailler la terre. Les semences ni les récoltes n'attendent pas. Les terres ont besoin de bras et de dirigeants.
Les souffrances occasionnées par les guerres sont innommables et innombrables.
Les gens autant que les bêtes, la terre, les habitations tous subissent les conséquences de dirigeants inconscients.
En 44 Pierre se remarie avec Anna Baraou, la cousine de Maman et ma marraine.
Je fus la demoiselle d'honneur au mariage. Et c'est à ce moment que j'arrive à kermaléro. Marraine demande à maman la permission de m'emmener pour l'aider dans les tâches de la maison. C'était une grande maison à entretenir. Le jour de corvées tel que la moisson, les foins ou l'arrachage des pommes de terre je me rappelle d'avoir servi jusqu'à 22 personnes au repas de midi.
Nous avions les aides domestiques journaliers et les occasionnels pour les travaux qui demandaient plus de bras. Il y eut aussi les trois prisonniers Allemands. Un russe qui parlait à peine quelques mots de français, très content de s'occuper des chevaux et il savait y faire. Il ne venait jamais à table le soir sans avoir fini de brosser et nourrit les chevaux. Puis Otto... et Michel l'Alsacien qui fut réquisitionner par les autorités pour déminer le Trez Saint-Tugen. Un jour, on nous avisa qu'il avait sauter sur une mine. Nous en fûmes navrés. Il parlait très bien le français et nous disait regretter d'avoir été obligé de porter l'uniforme allemand et de porter les armes contre la France...
Voilà encore un autre côté de la guerre, difficile à digérer. Ces hommes, à table nous parlait chacun de leur vie. Bizarre que j'oublie le nom du Russe, car son histoire n'était pas banale. Né en Sibérie, il y vécu jusqu'à l'âge de 16 ans où il devint orphelin. Il se refugia chez ses grands parents en Allemagne et fut aussitôt enrôlé dans l'armée Hitlérienne....
A kermaléro durant ce temps les évènements se succédaient à une vitesse folle.
Voilà déjà quelque temps que marraine ne se sent pas bien. Elle dû consulter un spécialiste qui détecta un cancer du sein. On ne parlait pas d'opérations en ces années-là! Dire qu'aujourd'hui, la plupart des gens s'en sortent de cette maladie.
Je fus donc sa garde malade et fus témoin de ses souffrances et de sa mort!
Quelle aurait été ma vie si elle avait survécue?