Tour d'ivoire, tour de phrase, tour d'esprit.
Merci à mes fidèles et nouveaux lecteurs et lectrices.
Dans le quartier Hochelaga Maisonneuve à Montréal, là où douceurs et violences se côtoient, où les usines ferment et où les enfants ont faim, trône la plus haute tour penchée au monde.
Aux gens de ce quartier un jour, du pain et des jeux on leur a fait miroiter.
Le pain, ils l'attendent toujours et la tour, souvenir des jeux, du haut de sa grandeur, les nargue.
De chaque coin de Montréal, elle est visible. Que l'ont soit à l'angle opposé, sur les rues rectilignes qui la prolongent ; que l'on soit en croisière sur le fleuve, en vadrouille sur les autoroutes, elle nous domine, elle est omniprésente.
Nuit et jour comme une tour de garde, elle veille! A l'approche de Noël on l'illuminera aux couleurs de cette fête.
Cadeau gratuit pour l'œil. Pourtant elle n'est pas un cadeau pour les Montréalais. Elle a englouti des tonnes et des tonnes de béton armé; On lui a créé un tissu spécial nommé «Kevlar» pour son toit rétractable.
Que de tempêtes verbales elle a occasionné et occasionne encore! Gouffre sans fond: Millions de billets de banque, pages et pages d'encre dans les journaux. Toit mobile? Ou toit fixe?
Cadeau grec empoisonné qui nous reste sur les bras, nous les contribuables de cette ville, après la gloire passée de l'exploit olympique pour laquelle, elle fut érigée. Aimée, adulée, contestée: les touristes du monde entier lui font l'honneur de leur première visite en notre ville.
Les Oh ! les Ah! du haut de sa hauteur, les clics des caméras immortalisant sa silhouette par tous les angles pour la postérité; les regards envieux que lui lancent ceux qui ne font que passer sur la rue Sherbrooke; tout concoure à dire qu'elle est la plus haute tour penchée au monde.
Campanile sans cloche! tu vas à l'encontre du calme olympien car des grondements se font entendre encore dans tes murs: Grèves, toit qui crève, parpaings qui s'effritent et la clameur de la foule s'entend dans la ville.
Cathédrale du 21ème siècle, élevée non pas à la gloire de «Dieu» mais à la gloire des «Dieux » du stade.
« Toujours plus haut, toujours plus grand».
Athéna, Héra, Zeus, êtes-vous jaloux des Nadia, Myriam, Sylvie, Jean-Luc et autres?
Dieux ou Déesses couverts d'or hautement mérité, ce n'est pas à vous que je m'en prends, et je vous demande pardon du haut de cette page.
Mais toi, Flavius Théodosius, pourquoi de ta vulgaire plume d'oie as-tu supprimé les concours littéraires des jeux de l'olympe en l'an 394 ? m'éliminant ainsi de la lignée des déesses du stade?
A quel stratagème devrai-je recourir? Par quel tour de phrase avec mon pilote à pointe fine arriverai-je à renverser ta décision?
Je me fais un cadeau! Je m'en vais de ce pas, grimper dans ma célèbre tour et avec un faisceau laser -chose inconnue de toi- en une belle envolée littéraire à ma gloire méconnue, j'écrirais dans le ciel de Montréal: Oyez! Oyez! Les jeux sont ouverts pour les amoureux de l'écriture!
Je réparerai ainsi une injustice millénaire. Tous les profits iront aux enfants nécessiteux habitant dans le voisinage de la célèbre «Grande dame d'Hochelaga» comme l'appelle communément les gens de ce quartier.
OH! Flavius, quel beau tour de passe-passe je te joue là!
Mais... toute chose à une fin, je me vois dans mille ans d'ici, réduite à trois lignes dans «le petit Larousse» comme toi, ou peut-être à trois petits points dans un fichier d'ordinateur. Ave!
-Scribitur ad narratum, non ad probandum-
(On écrit pour raconter, non pour prouver)
Blandine Meil