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Pour que l'histoire vive
5 septembre 2013

Post hoc, ergo propter hoc

perigord et bretagne 19 mai au 7 juin 2011 211

 Post hoc, ergo propter hoc,

À la suite de cela, donc à cause de cela.

 

Je suis dans la grange devant le tas de pommes de terre. Il y a huit jours il atteignait le plafond. Aujourd'hui il reste à peine quelques sacs de 25kilos. C'était notre provision pour l'année et celle de nos bêtes.

Une peur au ventre me prend. Il ne nous reste presque rien. Tout est vendu. De quoi allons-nous vivre? AH! bien sur nous avons l'argent; celui des pommes de terre, de la paille, du foin, des instruments aratoires, du cheptel!

Pierre et moi habitions sur une ferme qui nous faisait vivre. Pas de loyer à payer, juste les taxes municipales. La vie à la campagne a son charme quand tout est en place et bien rodé. Quatre vaches laitières nous fournissaient beurre et lait en quantité suffisante pour notre consommation. Après le vêlage nous vendions du lait aux voisins. Chacun arrivait après la traite du matin avec son pot d'un litre chercher sa ration quotidienne.

Je me rappelle d'une jeune femme qui venait d'accoucher de jumeaux. Tous les avant-midi elle arrivait avec son pot à lait  en fer blanc. C'était le printemps et le rosier fleurissait abondamment. Je lui offrais régulièrement deux ou trois roses car elle admirait toujours le bouquet qui trônait dans un vase sur la table de la salle à manger. Il ne me serait jamais venue à l'idée de monnayer ces roses.

Combien de fois, des années plus tard au jardin botanique de Montréal ai-je eu le cœur gros  en admirant la roseraie. Je les admirais et me souvenais de mon rosier! mais ici je n'avais pas le droit d'y toucher, juste de les sentir.

Nous cultivions  aussi des légumes, choux, choux-fleurs, tomates etc. Les tomates ont bien rapporté. Une année nous en avions planté trois milles plants  dans le champ devant la maison. Planter, biner enlever les gourmands cela demandait beaucoup d'heures de travail. Nous avions l'aide d'un employé et de voisins qui donnaient un coup de main en échange d'une corvée avec les chevaux et la charrette ou la charrue, pour leurs lopins de terre. Il en allait ainsi pour les travaux les plus durs, le coupage du foin, du blé, l'arrachage des pommes de terre où tout autre travaux comme retourner la terre ou ensemencer.

Dans cet après-guerre, nous vivions un changement de temps, un changement de mode  de travail. Les fermiers commençaient à acheter en commun des machineries lourdes, tracteurs, moissonneuses- batteuses plus sophistiquées, plus modernes et abattant un travail considérable en moins de temps et de sueurs. Cela impliquait quand même un investissement monétaire  que nous n'avions pas étant habitués à du troc plus souvent.« Tu me fais une journée de travail en échange d'un autre service»!.

Je me rappelle d'un camion d'une tonne qui était venu chercher des choux que nous n'arrivions pas à vendre sur le marché. Ils sont partis pour un franc symbolique. Quelle tristesse! tout ce travail parti en fumée. C'est que déjà  avec le système de gros transport par camionnage des vendeurs venant de la région de Roscoff, inondaient le marché d'Audierne et de Pont-croix ce qui causaient du tort à nous petits producteurs.

C'est à ce moment de bouleversement  que Pierre entendit parler d'immigration vers le Québec.

Mais pourquoi? pourquoi partir si loin? C'était «LA» question  que l'on nous posait souvent et que je me fais poser encore aujourd'hui? la ferme de Kermaléro  étant au nom des enfants que Pierre avait d'un premier mariage. Pierre, n'avait que l'usufruit de la ferme...Nous venions d'avoir une fille . Un jour viendrait où nous devrions laisser le domaine à l'Aîné de ses garçons.  Notre fille n'avait aucun droit sur cet héritage ...Il nous faudra donc nous installer ailleurs...

Je sais ....Je sais ... certains diront : Et kerneyen la ferme de Pierre , fils unique  de Jean-Yves et Jeanne? quelque mois avant de mourir son père a vendu sa ferme ...Il a fallu que Pierre poursuive son père devant les tribunaux  pour hériter de la part de sa mère... OH! honte suprême d'avoir à  poser un tel geste... Il en fut marqué à vie.

Voilà «quelques unes» des raisons qui nous décidèrent à partir à l'aventure de l'autre côté de l'Atlantique.

Mes enfants me posent bien des questions. Elles sont d'une autre mentalité. Elles sont habituées à acheter et vendre des maisons selon leur fantaisie... Ce que je relate de ma vie en Bretagne date déjà de près de 70 ans... La mentalité d'alors était qu'on ne morcelle pas un bien qui est dans la famille depuis plusieurs générations. C'étaient des entreprises familiales qui faisaient vivre la famille ainsi que bien «des domestiques» ou disons des employés de maison. La ferme, le domaine avait une réputation à préserver.

Lors de fêtes familiales, baptêmes, premières communions, mariages ou enterrements, la fierté du propriétaire était de faire à ses invités la tournée des étables, des écuries, des champs ensemencés , des récoltes engrangées, des bois et forêts, afin d'admirer la bonne tenue du domaine...

Aujourd'hui, un camping est bâti sur une parcelle de terrain qui faisait partie de la ferme de kermaléro...

Prochain article: Gare d'Audierne...  

 

 

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Commentaires
M
Je me demandais ce qui vous avez poussé à partir si loin ... Je n'ose pas imaginer combien cela a dû être dur . <br /> <br /> Tu as bien fait d'écrire ce blog c'est un plaisir immense de te lire , quand j'ai du temps devant moi je me plonge dans tes souvenirs comme dans un roman ( Êt un sacrément bon roman) <br /> <br /> Que j'aimerai que ma ptite Mums couche ses souvenirs de la sorte mais comme elle le dit elle même " je n'ai pas cette facilité d'écriture " c'est dommage car elle aurai beaucoup à écrire <br /> <br /> Bises
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M
Comme ça on comprend pourquoi vous êtes partis... Oui, en effet, poursuivre sa famille en justice ça ne se fait pas, et morceler la terre n'est pas une bonne idée. Tout cela est juste ! Et c'est important que tu nous le racontes. Merci, c'est passionnant. Grosses bises !
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E
Merci Blandine, je n'avais pas vu cet article que Danae vient de mettre en lien sur son FB. Tu racontes bien ce moment qui a été bouleversant. Le monde change continuellement et, à un moment donné, il faut rebondir. C'est un déchirement quelquefois. Je te souhaite une belle journée.
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D
Oh Blandine comme c'est touchant de te lire et comme tu relates si bien cette vie rude dans la ferme ! Je crois quela vie a été plus douce au canada, mais peut-être pas dans les débuts. Il fallait du courage pour changer de vie.<br /> <br /> Bises xxx
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M
Voilà, les crêpes sont faites, et en grande partie vendues ! <br /> <br /> <br /> <br /> Je dois avouer que j'adore faire des crêpes et en plus il y a une bonne ambiance dans cette assos !<br /> <br /> <br /> <br /> Ce soir, sur France 5, "échappées belles", consacré à la découverte du Québec ! J'ai programmé l'enregistrement. <br /> <br /> <br /> <br /> A bientôt
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  • Au fil de ma vie j'ai accumulé des feuilles volantes de mon histoire, de mon parcours. Il s'en trouve dans des cahiers, et depuis quelques années dans les fichiers de mon ordi. je veux les partager et ainsi faire revivre l'histoire!
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