Péri en mer - perdu en mer
Beau goéland dessus la mer jolie
Beau goéland as-tu vu mon galant?
Dis-lui mon nom de peur qu'il ne l'oublie....
Au Cap Sizun, dans ce pays de marins au long cours et de célèbres capitaines, nombreuses sont les familles qui comptent des «Péris en mer». Que ce soit dans un naufrage sur les mers lointaines du globe terrestre où simplement dans la navigation côtière, il suffit de se promener dans les cimetières du Cap Sizun et de découvrir sur les plaques de marbre d'une tombe sur deux, les mentions «disparu en mer » où« péri en mer».
«Il y a un dicton qui dit aussi : qu'entre La pointe du raz et l'île de Sein se trouve le cimetière des hommes».
...Nous l'appelions Jean, bien qu'il fut baptisé Jean-Noël! C'était notre cousin germain. Il a été longtemps notre unique cousin. Nous le considérions comme notre grand frère. Il demeurait à Meil Kerharo sur la côte Nord du Cap Sizun.
Orphelin avant sa naissance, Jean naquit quatre mois après la mort de son père. Celui-ci, frère de notre père, naviguait dans les mers lointaines quand son navire explosa. La rumeur dans la famille dit qu'il fut gazé. Son frère Yves aussi mais ce dernier survécu avec une difficulté respiratoire. Cela se passait en 1919.
(8 Août 22) Je me dois de clarifier ici en espérant que quelque lecteur peut-être puisse nous éclairer Annette et moi. Dans la famille nous avons toujours parler de la naissance posthume de Jean. C'est ce qui lui donnait une auréole auprès de nous!
Le navire sur lequel son père Jean-Guillaume, soutier de son métier est décédé, est le Paquebot «France» de la compagnie Générale transatlantique. Sur Wikipédia j'ai trouvé qu'au mois d'octobre 1920 le France fit escale à Brest pour y débarquer ses morts (il y eut 9 morts) suite à une explosion au large de Cherbourg. C'est cette date qui est inscrite sur les régistres de Cléden pour le décès de Jean-Guillaume.Or ça ne correspond pas à nos souvenirs familiaux. Sur le net encore on parle d'une explosion en 1918... ce qui ne correspond pas non plus. Alors nous cherchons encore la vérité.
On peut dire que la pauvre veuve choya ce bébé né en Mai 1920, seul lien avec son mari disparu trop tôt. Or un enfant trop choyé a souvent de la difficulté à bien s'adapter à la vie.. À l'adolescence il rendit la vie difficile à sa vieille mère, mais plus tard un séjour sur la Jeanne D'Arc navire école le remit sur le droit chemin.
Il eut vingt ans durant la guerre. J'étais à l'ouvroir à Esquibien. On nous suggéra d'écrire à nos soldats ou marins. La poste nous fournissait des cartes pré imprimées. Il nous suffisait d'écrire juste deux ou trois lignes ainsi que leur nom avec soit le nom du bateau ou du régiment. L'administration française faisait suivre le courrier. C'était pour encourager nos soldats. Ce fut Jean que je choisis comme correspondant de guerre.
Je me rappelle de quelques visites faites à la tante Louise dans sa maison qui tournait le dos à la route. Les quelques poules qu'elle élevait se promenaient dans la maison à la recherche de miettes de pain. Elle les chassait à coup de balai de genêts. Si le sol était en terre battue comme à Kerscoulet, ses armoires contenaient des draps et serviettes toutes blanches. Sous les piles de draps elle avait toujours en réserve un paquet de biscuit petit beurre en cas de visite ainsi que la bouteille de Saint-Raphaël. Quand nous arrivions, elle faisait bouillir de l'eau dans l'âtre et faisait tourner le moulin à café.
Pour sa vache elle avait construit elle-même une minuscule étable en pierre sèche avec un toit de chaume. J'imagine qu'elle devait recevoir une petite pension de la marine marchande, qui avec son travail de fermette lui suffisait.
A chaque permission Jean venait faire son tour à kerscoulet. Il aimait l'animation de la maison avec ces cinq belles cousines à taquiner. Il aimait beaucoup notre mère qui ne se gênait pas pour lui faire la leçon quand il avait marché de travers.
Quand il apprit que Bernadette entrait chez les religieuses, il arriva en coup de vent et posa la question directe à Maman. Est-vrai que Bernadette entre les sœurs? À la réponse de Maman il dit: EH bien moi je viens te demander sa main! Bien sur que nous eûmes toutes envie de rire, mais le sérieux de Jean, nous fit taire. Et maman de palabrer sur les mariages consanguins et surtout c'est la volonté de Bernadette qui comptait.
Ainsi était Jean, notre cousin, direct et toute d'une pièce!!!
Que s'est-il donc passé en ce 21 Juin 1958? Depuis quelque temps Jean travaillait sur un chalutier le « Santez Anna ar Palud».
Résumé du Journal Ouest-France
Quimper de notre rédaction
Dimanche soir vers 20h45, Monsieur Henri Gloaguen pêchait à proximité du port de Brézellec sur la falaise. Il s'apprêtait à lancer sa ligne, lorsque son attention fut attirée par deux canots qui dérivaient. L'un, le «Joseph» qui sert aux mouvements des équipages était au delà de la roche de la Jument. L'autre l'annexe du langoustier «Santez Anna-ar-Palud» se trouvait à quelques brasses de la côte, sans avirons. Un homme était debout au milieu du canot. M. Gloaguen le voyait très bien sans pouvoir l'identifier en raison de la distance, puis ne le vit plus. L'homme était-il tombé à l'eau ou bien plutôt voyant que l'embarcation dérivait et qu'il n'avait plus d'avirons, s'étaient volontairement jeté à la l'eau pour gagner la côte. C'est du moins ce que pensa M. Gloaguen qui s'empressa de donner l'alerte.
Un manquant dans l'équipage
Monsieur Piriou patron du chalutier alerta le syndic des gens de mer. L'équipage du «Santez Anna» compte six hommes. Rentrés Dimanche matin du mouillage des casiers, les hommes avaient reçus congé pour la journée. Ils devaient regagner le bord vers 19-20h. et y coucher en vue de l'appareillage prévu tôt le matin.
Un seul manquait: Jean-Noël Meil 38 ans, embarqué depuis le début de la saison.
Avait-il voulu regagner le bord seul?
Il aurait pris le «Joseph» un canot qui sert aux marins de Brézellec pour les mouvements du port, aurait gagné ainsi le langoustier et détaché l'annexe pour l'amener à l'accostage; peut-être pour que les hommes de l'équipage puissent embarquer directement et rejoindre le bord. On suppose qu'en amarrant les deux canots, le plus gros, le «Joseph» lui échappa, qu'il perdit ses avirons en voulant le ramener et se trouva lui-même désemparé. Excellent nageur, il aurait voulu gagner la côte à la nage. Aucune explication précise ne peut être donnée, M.Gloaguen seul témoin affirme «qu'il a vu un homme seul dans l'annexe du chalutier et que cet homme est tombé à l'eau»
Une vieille maman pleure son fils unique.
M.Berriet, maire de Cléden et M.Quillivic syndic des gens de mer, ont rendu visite hier à la mère de Jean-Noël Meil, pour lui faire part de la disparition de son fils, avec les ménagements d'usage. La pauvre femme -elle a 75 ans- avait déjà deviné. Effondrée près de sa fenêtre, seule dans sa maison, elle se refusait à tout espoir et à toute consolation. Pour elle aucun doute n'était possible et cette visite officielle avait le caractère d'une démarche définitive....
Fin de l'article d'Ouest-France .
Depuis 2008..... Il y a à Poulgoazec en cap Sizun un magnifique monument dédié aux marins disparus. Chacun y a sa plaque de marbre à son nom ainsi que celui du bateau. Tante louise n'a jamais pu voir ça, elle est morte bien avant de chagrin d'amour pour ses deux hommes, son mari Jean-Guillaume et son fils Jean-Noël que la mer cruelle lui a enlevé.
Si un jour, mes forces me permettaient de retourner encore une fois au Cap Sizun, un pèlerinage vers ce monument sera à mon programme.
Victor Hugo a tellement bien écrit sur ces gens de mer que je t'offre ce poème ! Salut Grand-frère! Salut Jean-Noël!
Ô pauvres femmes de pêcheurs!
c'est affreux de se dire : - Mes âmes,
Père, amant, frère, fils, tout ce que j'ai de cher,
C'est là, dans ce chaos ! mon cœur, mon sang, ma chair ! -
Ciel ! être en proie aux flots, c'est être en proie aux bêtes.
Oh ! songer que l'eau joue avec toutes ces têtes,
Depuis le mousse enfant jusqu'au mari patron,
Et que le vent hagard, soufflant dans son clairon,
Dénoue au-dessus d'eux sa longue et folle tresse,
Et que peut-être ils sont à cette heure en détresse,
Et qu'on ne sait jamais au juste ce qu'ils font,
Et que, pour tenir tête à cette mer sans fond,
A tous ces gouffres d'ombre où ne luit nulle étoile,
Et n'ont qu'un bout de planche avec un bout de toile !
Souci lugubre ! on court à travers les galets,
Le flot monte, on lui parle, on crie : Oh ! rends-nous-les !
Mais, hélas ! que veut-on que dise à la pensée
Toujours sombre, la mer toujours bouleversée !
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14 Août- 26-