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Pour que l'histoire vive
16 mai 2013

Le son de la sirène

la Nièvre

Tentative de renflouement de La Nièvre. Au fond les remorqueurs .

En avant alignés les gens venus voir ce navire échoué.

 

 

Printemps 1937. Toute la nuit le vent a hurlé. La corne de brume de la Pointe du Raz aussi. Mais était-ce bien la corne de brume? il me semble que le son était différent.

Petit matin habituel. Maman prends le seau et s'en va à l'étable, traire la vache. Moi, j'ai la tâche de faire le café. Je mets du bois sec dans le foyer de la cuisinière, je craque l'allumette et la glisse sous le bois. Le vent fait un retour dans la cheminée et ramène la fumée  vers mon visage. Je me frotte les yeux, puis je souffle sur le foyer. Enfin la flamme jaillit. Bientôt quand l'eau bouillira, je la puiserai avec une louche pour arroser le marc de café. Quand maman reviendra de la crêche avec le lait, elle pourra boire un bon bol de café noir. Je l'ai toujours vu le boire ainsi même si nous avions du lait en abondance.

Au moment où je verse la première louchée d'eau sur le marc, j'entends un bruit de sabots d'homme qui approche. Du seuil de la porte une voix appelle:

Jeanne es-tu là? Elle trait la vache lui dis-je!

C'est notre voisin Yvon Moallic. La sirène cette nuit dit-il était celle d'un navire échoué à Pors tarz. Je m'en vais faire un tour là-bas et je vous rapporte les nouvelles.

 J'écoute, j'observe, je suis émue. Un bateau à la côte! un bateau naufragé avec des hommes à bord? Et je pense à mon père, lui aussi quelque part en mer sur son chalutier.

Une fois mon petit déjeuner avalé, je pars pour l'école. Prend ton capuchon me dit maman- nous ne disions pas encore imperméable- Le temps n'est pas sûr, les nuages viennent de l'ouest. Chemin faisant, je rencontre mes compagnes du village. Ensemble nous nous dirigeons vers le bourg où se trouve l'école.

D'autres écoliers venant des villages voisins  nous entrainent en arrière de l'église. Venez nous disent-ils, on le voit de là-bas. En effet, lorsque nous arrivons sur un monticule en arrière des maisons, une vue insolite s'offre à nous. Là-bas à la côte, deux grosses cheminées noires de bateau sont visibles, on les dirait même sur la terre ferme parmi les arbres.

Je suis toujours angoissée ! Quel est ce bateau demandai-je? C'est «La Nièvre» Il transporte du pétrole parait-il. Nous retournons à l'école. Première leçon: notre institutrice nous raconte ce qu'elle sait du naufrage . La brume, la mer démontée et les écueils dans ces parages dangereux ont dérouté le navire. Nous sommes encore au temps de la navigation à vue: cartes, boussoles, sextants, feux des phares côtiers. En dépassant la pointe de Penmarch où se trouve le phare d'Eckmühl. La Nièvre se croyait déjà dans la chaussée de Sein, alors qu'il venait juste de passer la Pointe de Lervily. C'est ainsi que ce navire s'est jeté sur les rochers de Pors Tarz.

Quelques jours plus tard des remorqueurs viendront essayer de le tirer de sa mauvaise passe. Les élèves des deux écoles, filles et garçons, nous avons eu droit ce jour là au spectacle en direct. Accompagnés de nos institutrices, nous y sommes allés, en rang, deux par deux, sabots de bois aux pieds, deux kilomètres environ par les chemins creux. On nous a fait asseoir sur la dune. Nous avons regarder, écouter et fait aussi nos commentaires. Les remorqueurs allaient et venaient sur la mer houleuse, tout comme les questions d'un enfant à l'autre. Quand va-ton le tirer? Non, ça ne se fera pas aujourd'hui! la sirène hurle de temps en temps. Le brouhaha de la foule venue comme nous, voir cette curiosité, ce mastodonte flanqué là en plein sur les rochers! tout cela contribuait à l'aspect bizarre qu'à prit la dune  si déserte d'habitude.

Puis l'heure de rentrer est venue pour nous. Sagement deux par deux comme à l'aller et surtout décus de ne pas avoir vu touer «la Nièvre», celui-ci étant trop ancré dans les récifs. Il a fini par se désagréger dans les vagues et l'eau salée, mais longtemps nous avons aperçu ses cheminées par dessus les toîts. Aujourd'hui vous êtes sûrs de trouver encore chez les habitants du coin, quelques objets retirés de La Nièvre.

Moi ce que je n'ai pas oublié c'est le son angoissant et sinistre  du navire en détresse qui me réveilla ce matin-là.

Je revois encore  la carte du Finistère accrochée au tableau. Nous avons dû repérer l'emplacement des phares de la région: Penmarch, Lervily, Armen, La Vieille, Thévennec.  Merci  madame Fablé directrice de l'école  en cette année, pour la leçon inhabituelle à laquelle nous avons assister. Vous n'avez pas attendu l'accord  de l'inspecteur  de l'accadémie de Rennes pour nous initier à l'évènement en direct. C'était l'éducation du temps, la leçon de chose.

 

 

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Commentaires
M
ah que j`ai aimé cette histoire , on n`y était<br /> <br /> encore bravo maman<br /> <br /> xox
Répondre
Pour que l'histoire vive
  • Au fil de ma vie j'ai accumulé des feuilles volantes de mon histoire, de mon parcours. Il s'en trouve dans des cahiers, et depuis quelques années dans les fichiers de mon ordi. je veux les partager et ainsi faire revivre l'histoire!
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